Le mystère du trou dans la banquise de l’Antarctique

En 2017, un trou de 80 000 km2, deux fois plus grand que la Suisse, s’est ouvert dans la banquise de l’Antarctique. Le phénomène a longtemps intrigué les scientifiques.

Cette polynie, détectée pour la première fois il y a 50 ans…

Dus à des courants marins circulaires provoquant une remontée d’eau chaude et salée, les trous dans la banquise ne sont d’ordinaire pas exceptionnels.

… ce “trou” s’est amplifiée en 2017 sous l’action du vent

Non seulement les courants marins se sont renforcés cette année-là, mais l’action du vent a aussi intensifié le phénomène (voir schéma ci-dessus).

C’est dans les années 1970 que des satellites de télédétection l’ont pour la première fois aperçu : sur le site de Maud Rise, dans la mer de Weddell, au nord de l’Antarctique, il y avait… un trou dans la banquise. Celui-ci a ensuite disparu, et il est sporadiquement réapparu les décennies suivantes.

Puis, durant l’hiver 2016-2017, le phénomène a pris une ampleur démesurée : le trou a persisté plusieurs semaines, et il est devenu 8 fois plus gros en seulement un mois, jusqu’à atteindre 80 000 km2 ! Une équipe internationale d’océanologues vient de comprendre pourquoi.

NASA – STÉPHANE JUNGERS

Les trous dans la glace de mer, appelés “poly-nies”, n’ont souvent rien d’exceptionnel : ils apparaissent naturellement durant la période hivernale et toujours au même endroit. Ils servent d’oasis pour divers oiseaux et mammifères marins qui viennent s’y nourrir et s’y reposer. Et le processus à leur origine est connu.

“Les polynies se forment grâce aux courants marins verticaux qui font remonter l’eau plus chaude et salée des profondeurs vers la surface : cela fait fondre la glace de mer et l’empêche de se reformer”, explique Aditya Narayanan, océanologue à l’université de Göteborg, en Suède, et coauteur de cette étude.

DES PHOQUES ÉQUIPÉS DE BALISES

Sauf que celle de Maud Rise n’est pas comme les autres : “Une remontée d’eau chaude et salée n’est pas suffisante pour maintenir un trou de cette ampleur aussi longtemps, il faut un apport supplémentaire de sel”, assure le chercheur. Alors quoi ?

Pour percer ce mystère, les océanologues ont fait appel à des chercheurs hors pair : des phoques capables de plonger jusqu’à 2 000 m sous la surface ! “Nous les avons équipés de balises mesurant la température, la salinité et la profondeur, expose Sarah Gille, chercheuse à l’Institut océanographique de San Diego (États-Unis), coautrice de l’étude. Lorsqu’ils remontaient à la surface, les informations étaient immédiatement récoltées par satellite. ”

Ces données montrent qu’un grand courant marin circulaire, très actif dans la région, s’est accentué durant l’hiver 2016-2017 et a fait remonter plus d’eau chaude et salée des profondeurs. “Le Maud Rise est un mont marin qui culmine à environ 1 000 m sous lasurface de l’océan austral, décrit Aditya Narayanan. Du fait de cette topographie, l’eau salée provenant des fonds s’est accumulée au sommet de la montagne. ” Ce qui a permis à la polynie de se former et de persister.

Un second phénomène appelé “transport d’Ekman” a encore amplifié le processus : “Les vents soufflant à la surface de l’océan ont créé un effet de spirale provoquant un mouvement d’eau, poursuit l’océanologue. Le sel accumulé a alors été aspiré et déplacé vers le flanc nord du Maud Rise. ” Plus tard en 2017, le trou s’est finalement refermé et n’est pas réapparu depuis. Mais les experts préviennent : avec l’accentuation des courants marins et des vents hivernaux, le nombre de trous de cette ampleur pourrait bien augmenter à l’avenir. Et la banquise prendre une allure de gruyère en hiver ?

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