GEO.FR – Sombre pronostic pour le continent blanc? Deux nouvelles études sur l’Antarctique font un constat glaçant
Éclipsées par une étude américaine au sujet du recul spectaculaire d’un glacier en Antarctique, des recherches françaises et internationales soulignent respectivement la fragilité des plateformes glaciaires qui entourent le continent blanc et la possibilité qu’un basculement du système soit en cours.
Le glacier Hektoria a reculé de plus de huit kilomètres en seulement deux mois. Cet événement, survenu en Antarctique il y a trois ans, a fait l’objet d’une étude controversée publiée ce mois-ci dans la revue Nature Geoscience (N. Ochwat et al. 2025).
Les auteurs de cet article estiment qu’il s’agit du “premier exemple moderne” d’un processus de “déstabilisation rapide” du front d’un glacier reposant sur le fond marin. Un tel phénomène pourrait donc, s’il se produisait ailleurs sur le continent blanc, entraîner une hausse du niveau marin beaucoup plus rapide, suspectent-ils.
Cependant, d’autres scientifiques affirment que cette partie du glacier flottait en réalité dans l’océan ; par conséquent, bien que ces changements soient impressionnants, ils ne seraient en fait “pas si exceptionnels” (BBC, 3 novembre). Un débat qui a laissé dans l’ombre d’autres travaux sur le sujet, pourtant riches d’enseignements.
60 % des plateformes flottantes vouées à disparaître
Voici d’abord une expérience à faire chez soi : versez de l’eau dans deux bols identiques et placez dans chaque récipient un glaçon. Le premier, à l’image de la banquise arctique, flotte à la surface, tandis que l’autre est posé sur un objet à l’intérieur du bol pour représenter la glace continentale (glaciers et calottes glaciaires). En fondant, seul le second glaçon fera monter le niveau de l’eau dans le bol.
On pourrait en déduire que la fonte des glaces flottantes n’aggrave pas la montée des eaux. C’est tout à fait vrai – sauf de manière indirecte, lorsqu’il s’agit de plateformes flottantes situées sur le pourtour d’une calotte glaciaire. En effet, ces barrières gelées agissent comme des boucliers qui freinent l’écoulement de l’eau continentale vers la mer.
Une étude publiée le 29 octobre 2025 dans le magazine Nature par des scientifiques de l’Institut des géosciences et de l’environnement de Grenoble (université Grenoble Alpes / CNRS) démontre que 60 % des plateformes flottantes antarctiques pourraient être “vouées à disparaître” sur le long terme (C. Burgard et al. 2025).
Sous des émissions de gaz à effet de serre élevées, représentant un réchauffement global de 12 °C d’ici 2300, l’océan se réchaufferait, générant une “forte fonte” sous les plateformes, simulent les auteurs. Ceci finirait par entraîner leur disparition et réduirait donc “drastiquement” leur rôle de frein, avec des répercussions sur la vitesse de l’augmentation du niveau des mers, concluent-ils.
En revanche, dans un scénario limitant le réchauffement global à 2 °C, 63 plateformes sur 64 auraient encore des chances de subsister jusqu’en 2300 voire au-delà. Cette trajectoire, qui permettrait peut-être également de sauver une partie de la Grande barrière de corail australienne d’après une autre étude, nécessiterait toutefois des réductions d’émissions “considérables”.
Un point de bascule déjà franchi ?
L’équipe française partage aussi cette conclusion avec les auteurs d’une synthèse scientifique publiée en août dans la même revue (N.J. Abram et al., Nature, 2025).
Si ces chercheurs australiens et leurs collègues sud-africains, européens et britanniques estiment pour leur part que la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental pourrait avoir franchi un point de bascule, ils jugent néanmoins que chaque fraction de degré compte.
D’après les études qu’ils ont recensées, on observe aujourd’hui des signaux indicateurs de la fonte des glaces, d’une déstabilisation des plateformes glaciaires ainsi que d’une perturbation de la circulation océanique, suggérant un basculement déjà enclenché. Des espèces sauvages comme les manchots et le krill sont confrontées, elles, à des risques d’extinction croissants.
Or, l’effondrement total du système de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental pourrait faire monter le niveau des mers de “plus de trois mètres”, menaçant les populations côtières et les grandes villes du monde entier. Un tel événement aurait des “conséquences catastrophiques pour les générations futures”, prévient Nerilie Abram, première auteure de la synthèse, dans un communiqué.




Leave a Reply
Want to join the discussion?Feel free to contribute!