L’ADN d’une pieuvre de l’Antarctique recèlerait un précieux indice sur la fonte de la calotte glaciaire

L’ADN d’une pieuvre de l’Antarctique recèlerait un précieux indice sur la fonte de la calotte glaciaire

 

Basés sur une analyse de l’ADN de pieuvres, les résultats préliminaires d’une étude suggèrent que la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental avait disparu lors de la dernière période interglaciaire. Or, la température globale avoisinait celle mesurée aujourd’hui, laissant ainsi craindre une fonte similaire – et une montée des eaux catastrophique – au cours des siècles à venir avec le réchauffement climatique.

Si la calotte glaciaire de l’Antarctique devait fondre entièrement, l’eau libérée dans les océans pourrait faire grimper le niveau des mers de trois à quatre mètres, submergeant les zones côtières densément peuplées sur notre planète – et poussant plusieurs centaines de millions d’habitants à trouver refuge plus loin dans les terres. Ce scénario catastrophe est-il vraiment plausible ?

Certes, limiter le réchauffement climatique sous les 2 °C d’ici 2100 semble encore possible – à condition de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, ce qui devra notamment passer par un recours moindre aux énergies fossiles. Mais à quoi pourrait ressembler ce monde à + 2 degrés de température globale ? La communauté scientifique se divise sur certains points.

L’Antarctique occidental, libre de glace ?

Plus précisément, les chercheurs se demandent si, avec deux degrés supplémentaires, la calotte glaciaire (ou “inlandsis”) de l’Antarctique disparaîtrait en grande partie, ce qui constituerait un point de basculement majeur. Une piste de réponse à cette interrogation pourrait venir du passé.

Nous sommes actuellement en période “interglaciaire”, séparant comme son nom l’indique deux ères de glaciation. La précédente période interglaciaire, qui s’est achevée il y a 120.000 ans, connaissait une température globale similaire à celle d’aujourd’hui, c’est-à-dire d’environ un degré supplémentaire par rapport à celle de l’époque qui a précédé la révolution industrielle.

La glace continentale persistait-elle encore, à la fin de cette période interglaciaire ? C’est pour tenter de répondre à cette épineuse question que des biologistes, généticiens, glaciologues et modélisateurs se sont intéressés à l’ADN… d’une pieuvre. Pareledone turqueti, de son nom scientifique, habite en effet les mers entourant l’Antarctique depuis environ quatre millions d’années. Or, son matériel génétique porte la trace des croisements passés entre ses lointains ancêtres.

En analysant l’ADN de près d’une centaine de spécimens actuels, les auteurs de l’étude (en cours de publication) ont pu affirmer qu’il y a 125.000 ans, deux populations distinctes de pieuvres – l’une dans la mer de Weddell et l’autre dans la mer de Ross – se sont reproduites entre elles. Seule possibilité pour que ces céphalopodes puissent se rencontrer et procréer, d’après les auteurs : la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental, qui sépare aujourd’hui ces deux mers, avait nécessairement fondu, laissant dans son sillage un réseau de canaux naturels à travers la roche.

Une étude qui reste à valider

Selon le Pr Nick Golledge, co-auteur de cette étude et chercheur à l’Université Victoria de Wellington en Nouvelle-Zélande, cité par le Guardian, la voie que les pieuvres auraient empruntée à travers le continent se situait entre un et deux kilomètres sous le sommet de la couche de glace actuelle, et atteignait une profondeur d’environ 1 km dans sa partie centrale. “Il s’agit d’un segment océanique important, et d’une voie maritime significative pour les organismes qui la traversent“, a-t-il déclaré.

Si cette étude venait à être validée à l’issue du processus de relecture par les pairs, ses conclusions pourraient laisser craindre une fonte massive de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental avec le réchauffement climatique actuel. “La perte de cette calotte glaciaire aurait des conséquences très réelles pour l’ensemble de la planète“, a alerté auprès du média britannique Nathan Bindoff, océanographe et expert de l’Antarctique à l’Université de Tasmanie, qui n’a pas contribué à ces travaux.

Nous ne sommes toujours pas sûrs que la calotte glaciaire ait fondu au cours de la dernière période interglaciaire“, nuance toutefois le professeur Richard Alley, spécialiste de la calotte glaciaire à Université d’État de Pennsylvanie (Penn State), tout en considérant cette étude comme “intéressante et importante“.

Malgré tout, même si la déstabilisation de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental ne franchissait pas le point de basculement fatidique, il n’en reste pas moins que la fonte des glaces continentales concerne également d’autres zones importantes, notamment l’hémisphère nord avec le Groenland. La montée des eaux semble désormais inévitable.

Détails

Statut de publication :
Planète & Environnement

Auteur(e):
Nastasia Michaels

Date:
Publié le 06/02/2023

Journal/Source:
GEO / www.geo.fr

 

0 replies

Leave a Reply

Want to join the discussion?
Feel free to contribute!

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *