Antarctique : découverte d’une « plomberie » cachée qui accélère la fonte des glaces

La calotte glaciaire de l’Antarctique, une vaste étendue de glace qui couvre des millions de kilomètres carrés, joue un rôle crucial dans la régulation du climat mondial. Si cette glace venait à fondre massivement, les conséquences seraient en effet catastrophiques. Cependant, comprendre comment et pourquoi cette glace fond n’est pas une tâche aisée. Sous cette épaisse couche de glace se cache un monde méconnu où l’eau liquide joue un rôle clé dans le déplacement des glaciers vers l’océan. Pour percer ces mystères, des scientifiques ont mis au point un modèle informatique innovant capable de prédire avec précision l’écoulement de l’eau et le mouvement de la glace à travers tout le continent.

Ce qui se passe sous la glace : un monde caché

Avec ses vastes étendues de glace, l’Antarctique joue un rôle crucial dans la régulation du climat mondial et du niveau des mers. Néanmoins, ce que l’on voit en surface n’est qu’une partie de l’histoire. Sous cette épaisse calotte glaciaire, un réseau complexe d’eau liquide circule et influence directement la stabilité des glaciers et leur vitesse de déplacement vers l’océan.

Ce phénomène est similaire à un verre posé sur une table mouillée : l’eau agit comme un lubrifiant qui réduit la friction entre la glace et le substrat rocheux, ce qui permet aux glaciers de glisser plus facilement. Cette eau provient principalement de la fonte des glaces due à la pression exercée par le poids massif de la calotte glaciaire. Plus la glace est lourde, plus elle fait fondre la couche inférieure, créant ainsi des poches d’eau sous-glaciaires.

Cependant, cette lubrification n’est pas uniforme à travers le continent. Elle dépend de plusieurs facteurs, notamment l’épaisseur de la glace, la topographie du substrat rocheux et la pression de l’eau en dessous. Certaines régions, comme les glaciers de sortie situés aux bords de l’Antarctique, présentent des zones de glissement rapide tandis que d’autres restent plus stables. Comprendre ces variations est essentiel. L’écoulement de la glace vers l’océan contribue en effet directement à l’élévation du niveau des mers. En modélisant ces processus sous-glaciaires, les chercheurs peuvent mieux anticiper les changements futurs et affiner les prévisions sur la montée des eaux à l’échelle mondiale.

Un modèle informatique pour comprendre la « plomberie » de l’Antarctique

Pour percer les secrets de la glace antarctique, des chercheurs ont combiné deux modèles informatiques sophistiqués : le modèle du système de drainage des glaciers, qui simule la manière dont l’eau s’écoule sous les calottes glaciaires, et le modèle de calotte glaciaire et de niveau de la mer qui prédit l’écoulement de la glace en réponse à divers facteurs tels que la température.

Ce modèle combiné est une première à l’échelle du continent. Il permet de déterminer les zones où la pression de l’eau est suffisamment élevée pour que la glace glisse plus facilement. Selon Neil Ross, géophysicien à l’Université de Newcastle, « ce modèle nous aide à identifier où l’eau est présente sous la glace et où la glace est susceptible de s’écouler plus rapidement ».

Les chercheurs ont étudié la pression effective à la base de la glace qui correspond à la différence entre le poids de la glace et la pression de l’eau en dessous. Lorsque cette pression approche de zéro, la glace est pratiquement libre de flotter sur l’eau, ce qui augmente alors la vitesse d’écoulement.

Ce que ces découvertes signifient pour la planète

Les résultats du modèle ont révélé que les pressions les plus faibles, et donc les écoulements les plus rapides, se situent à l’intérieur du continent et sous les glaciers de sortie le long des côtes. Cela signifie que ces régions sont les plus vulnérables à une fonte rapide. Cependant, les plates-formes de glace flottantes qui entourent le continent jouent un rôle protecteur en ralentissant cet écoulement. Si ces plates-formes venaient à fondre en raison du réchauffement climatique, la glace située derrière elles pourrait s’écouler beaucoup plus rapidement vers l’océan, contribuant à l’élévation du niveau de la mer.

Le modèle a également prédit avec précision l’emplacement de lacs sous-glaciaires déjà connus en Antarctique occidental, ainsi que des canaux souterrains où l’eau s’écoule vers l’océan. Ces canaux sont liés à des zones de fonte rapide, ce qui suggère que l’eau douce qui entre dans l’océan influence la vitesse à laquelle la glace fond.

Antarctique
Les cartes montrent les réseaux d’eau sous l’Antarctique, révélant un écoulement constant d’eau à travers des canaux au-dessus du substrat rocheux. Crédits : Shivani Ehrenfeucht et coll., 2024 ; CC-BY-NC-ND

Les prochaines étapes : la science en action

Ces découvertes ouvrent la voie à de nouvelles recherches sur le terrain. Les scientifiques prévoient d’envoyer des missions pour vérifier les prédictions du modèle en explorant les régions identifiées comme critiques. « Cela nous permet de cibler les zones où des observations sur le terrain sont nécessaires », explique Neil Ross. Ces études permettront d’affiner encore le modèle et d’améliorer la compréhension des mécanismes à l’origine de la fonte des glaces. Elles contribueront à des prévisions plus précises de l’élévation du niveau de la mer, ce qui aidera les décideurs et les communautés à mieux préparer l’avenir.

Antarctique : découverte d’une “plomberie” cachée qui accélère la fonte des glaces

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