L’effondrement de la circulation profonde de l’océan Antarctique est en cours, confirmant les prévisions

L’effondrement de la circulation profonde de l’océan Antarctique est en cours, confirmant les prévisions

  • Une étude publiée par une équipe australienne dans la revue Nature Climate Change révèle que la circulation profonde autour de l’Antarctique a ralenti d’environ 30 % depuis les années 1990. Cela confirme les résultats d’une modélisation récente, qui prévoyaient un effondrement.
  • Certaines prévisions scientifiques font si froid dans le dos que l’on préférerait qu’elles s’avèrent finalement inexactes. Malheureusement pour l’humanité et pour la biodiversité, les auteurs d’une précédente étude publiée le 29 mars dernier dans la revue Nature (Li, Q., England, M.H., Hogg, A.M. et al. 2023) ne s’étaient pas trompés dans leurs estimations.
  • Le mécanisme à l’œuvre est relativement simple. La fonte des glaciers libère de l’eau douce dans l’océan ; or, cette eau est moins dense que l’eau salée. Cet apport réduit donc la quantité d’eau qui plonge près de l’Antarctique, ou “eau profonde de l’Antarctique” (AABW pour “antarctic bottom water” en anglais), ce qui ralentit les courants océaniques.
  • En revanche, c’est l’ampleur de ce phénomène que les chercheurs avaient tenté – avec succès, sait-on maintenant – d’évaluer. Leur étude, basée sur des travaux de modélisation, avait conclu à un ralentissement de la circulation de retournement océanique de l’Antarctique de 40 % d’ici 2050.
  • La circulation marine de l’Antarctique a déjà ralenti de 30 %
  • La nouvelle publication, parue aujourd’hui dans Nature Climate Change et rédigée par des scientifiques de l’organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique (CSIRO) et des universités de Tasmanie et de Nouvelle Galles du Sud, confirme que le processus est déjà en cours (Gunn, K.L., Rintoul, S.R., England, M.H., & Bowen, M.M. 2023). Selon leurs résultats, le ralentissement de la circulation est déjà de 30 % environ depuis les années 1990.
  • “Les changements observés et modélisés autour des marges de l’Antarctique ont récemment fait l’objet d’une attention particulière, car les changements dans cette région peuvent avoir de profondes répercussions sur le climat mondial et le niveau de la mer”, a réagi Ariaan Purich, membre de l’école de la Terre, de l’atmosphère et de l’environnement de l’université Monash (Melbourne, Australie) et de l’initiative de recherche spéciale du Conseil australien de la recherche (ARC) sur l’avenir environnemental de l’Antarctique, cité par le Centre australien des médias scientifiques (AusSMC).
  • Des répercussions importantes sur l’absorption de chaleur et de carbone par les océans
  • Le scientifique, qui n’a contribué à aucune des deux études, commente l’intérêt de cette recherche. “Notre compréhension des processus qui se produisent autour des marges de l’Antarctique est entravée par les observations limitées de cet environnement éloigné et extrême, souligne-t-il. Dans cette nouvelle étude, Gunn et ses collègues apportent d’importantes preuves observationnelles d’un rafraîchissement de l’océan autour de la côte antarctique, causé par la fonte des plates-formes glaciaires. Ils utilisent des données d’observation clés, complétées par la modélisation pour combler les lacunes des observations, afin de relier ce rafraîchissement côtier à une réduction de la circulation océanique profonde.”
  • De cette manière, les auteurs de l’étude ont évalué que le transport de l’eau profonde de l’Antarctique (AABW) était passé d’un peu moins de 6 Sverdrup – unité de débit volumique qui correspond à un million de mètres cubes d’eau par seconde – à environ 4 Sv, soit une baisse de 30 % (-0,8 Sv par décennie entre 1994 et 2017). Or, c’est cette eau profonde qui circule ensuite vers le nord et remplit 40 % du volume total des océans sur Terre, guidant la partie basse de la circulation globale, expliquent-ils.
  • “Cette nouvelle étude est importante car, parallèlement à une récente étude de modélisation qui a fait date, elle apporte un soutien supplémentaire, y compris des données d’observation, au fait que la fonte de la calotte glaciaire et des plateaux glaciaires de l’Antarctique aura un impact sur la circulation de retournement de l’océan mondial, ce qui aura des répercussions importantes sur l’absorption de chaleur et de carbone par les océans”, conclut-il.
  • Pourquoi ce lien entre la circulation océanique et le stockage du carbone par l’océan ? En fait, lorsque l’eau de mer interagit avec l’air en surface, le CO2 se solubilise. Par la suite, des micro-organismes marins utilisent ce carbone dissous dans l’eau pour synthétiser leur propre matière organique.
  • Au sein du réseau trophique (chaînes alimentaires), le carbone organique circule entre les proies et les prédateurs. Au final, une partie des habitants de l’océan sombre vers les profondeurs après leur mort, où le carbone dont ils étaient constitués restera piégé au long terme. Mais si les courants se ralentissent, ce processus s’en trouve perturbé. D’où l’inquiétude des chercheurs.

PAR Nastasia Michaels

GEO.FR

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